Ma fille, jeune apprentie en conduite accompagnée, roulait pour la première fois sur une autoroute à deux voies et fut surprise par les forts ralentissements provoqués par le dépassement des camions. Hormis le fait qu'elle ne connaît pas encore les lois mathématiques permettant de modéliser la décroissance exponentielle de la vitesse d'un convoi si un seul élément perturbateur vient à le ralentir, elle maîtrise à peine les réflexes du freinage d'urgence et nous sommes passés près de la catastrophe (heureusement qu'elle respecte à la lettre les règles des distances de sécurité, sujet pas assez respecté par les automobilistes à mon goût !!).
Après avoir récupéré mes esprits, je me suis rappelé que le transport routier de marchandises émet 29 millions de tonnes de CO2 par an (données gouvernementales 2022) soit 7% des émissions françaises.
Mais pourquoi garde-t-on ce moyen de locomotion dangereux et polluants et n'utilise-t-on pas le rail pour effectuer ces transferts ? Pourquoi le fret ferroviaire ne représente que 9% du total en France pour une moyenne européenne de 18% ?
Plusieurs aspects entrent en ligne de compte :
Economique : le transport routier représente 430 000 emplois. Son pouvoir de nuisance (blocage des routes) vient généralement rapidement à bout de nos politiques !!
Technique : le réseau ferroviaire est trop obsolète pour absorber cette surcharge de fret (entre 8 et 10 fois plus qu'aujourd'hui). Selon le PDG de la SNCF, il faudrait 6 milliards d'euros pour le remettre à niveau.
Social : et c'est là que le bât blesse réellement !! Aucune entreprise privée ne souhaite utiliser les fret ferroviaire pour transporter ces marchandises en France (alors qu'elles n'hésitent pas dans le reste de l'Europe) car les risques de blocage sont trop importants et les prix non compétitifs
En effet, une entreprise privée ne peut se permettre d'avoir des ruptures d'approvisionnement, les coûts étant insupportables :
perte des denrées périssables
déstabilisation des lieux de production nécessitant la mise en chômage technique (quand cela est possible) du personnel
rallongement des délais vis à vis des clients qui se tourneraient vers d'autres fournisseurs
Et même si des recours étaient faits, les pénalités financières infligées à la SNCF lui seraient fatales.
Mais d'où vient cet état de fait ?
Du pouvoir laissé aux organisations syndicales les plus radicales et en particulier la CGT et Sud Rail et du manque de courage de nos autorités.
Le dialogue social n'existe pas à la SNCF. Il n'y a aucune négociation patronat / employés. Avant même toute discussion, des journées de grève sont organisées au détriment des usagers. Seul le "petit confort" des conducteurs de train et des contrôleurs est important ; le reste n'ayant aucun poids à leurs yeux. Certes les plannings peuvent être contraignants mais il ne faut pas oublier que le temps de travail est légèrement inférieur aux 35 heures hebdomadaires (1550 heures de travail effectif par an pour 1631 heures) et que les perturbations de la vie familiale (travail de nuit, de week-end...) sont compensées par des primes qui peuvent s'avérer supérieures à celles prévues légalement. Mais est ce pire qu'une aide soignante, qu'un ouvrier qui tourne sur trois équipes, qu'un CRS ou qu'un agent de sécurité. Et de même sur les régimes de retraite. Pourquoi la nouvelle loi a déjà été dérogée à la SNCF ? En quoi, le travail d'un ouvrier du privé est moins pénible que celui d'un conducteur de train ?
Ce rapport de force est consécutif au retrait de la loi sur les retraites de 1995 après plusieurs semaines de grève de nos chers conducteurs de train (SNCF et RATP). Les politiques ont perdu tout pouvoir depuis ce jour et n'osent plus faire le moindre bras de fer avec eux de peur de se ridiculiser. La loi pour un service minimal n'a jamais été appliquée. Certains représentants les encouragent même comme ceux du Nouveau Front Populaire dont les écologistes qui soutiennent les agissements des syndicats au détriment de la diminution de la pollution en France. Etonnant non ?
En conclusion, pour développer le fret ferroviaire en France et ainsi réduire notre empreinte carbone, il faut remettre l'Eglise au milieu du village à la SNCF. Mettons fin à la dictature syndicale et ayons un management responsable de ce service public (cela inclut aussi la réouverture de certaines lignes peu rentables pour désenclaver des déserts ruraux et ne pas rendre la voiture monopolistique en terme de moyen de locomotion). Le bien de tous passe avant les avantages de quelques-uns.
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